G7 Charlevoix : pourquoi ne pas revenir vers l’Afrique?

Nouvelle | Publié: 08 mai 2018

Texte du Groupe de réflexion sur le développement international et la coopération (GREDIC), formé d’anciens directeurs d’ONG de développement international (Robert Letendre, Nigel Martin, Yves Pétillon, Mario Renaud, Nicole Saint-Martin, Pierre Véronneau).

Les points de vue exprimés par les signataires de cette lettre ouverte sont de libres opinions qui n'engagent pas le CECI. Nous contribuons à sa diffusion, car nous croyons qu'il s'agit d'une contribution intéressante aux débats sur l'aide internationale.

Comment le premier ministre Trudeau pourrait-il faire un franc succès du G7 à Charlevoix les 8 et 9 juin prochain? Saura-il proposer une initiative qui pourra le distinguer et avoir un impact réel sur la vie des gens? Et pourquoi pas sur l’Afrique, dont le futur aura un impact sur le nôtre comme on peut le voir dès maintenant.

Tous les sommets du G7 sont influencés par l’actualité internationale. La tenue éventuelle de la rencontre Trump et Kim Jong Un l’influencera positivement ou négativement. Le G7 accuse la Russie de combattre la démocratie mondiale par ses cyberattaques, campagnes de désinformation et tentatives d’assassinats. La décision prochaine sur le maintien ou non de l’accord avec l’Iran sur la question nucléaire aura aussi un impact sur les discussions. Et d’autres événements pourraient affecter la rencontre dans le bucolique Charlevoix.  

Mais l’Afrique risque d’être discutée à la marge, sinon oubliée; et pourtant sa situation actuelle et son avenir devraient nous préoccuper au plus haut point. Selon les projections des Nations unies, 40% de l’humanité sera Africaine en 2100, avec 4,5 milliards d’habitants; 1/3 de la population mondiale de 15 à 29 ans en 2050 vivra en Afrique. Présentement, près de la moitié de la population africaine (550 millions des 1,5 milliards) vit encore dans la pauvreté, dont 380 millions dans l’extrême pauvreté (revenu de moins de US$ 1,90/jour) (1).

Bien sûr, l'Afrique a progressé au cours des dernières décennies à la fois économiquement et sur le plan social avec l'affirmation d'une société civile africaine qui joue un rôle de plus en plus déterminant. Mais les défis restent énormes.  Près de la moitié des jeunes sont sans emploi; beaucoup tentent d’émigrer vers l’Europe et maintenant de plus en plus vers l’Amérique, migration irrégulière et fort dangereuse, à la merci d’une mafia de passeurs, mais qui ne risque pas de s’arrêter de sitôt. Ces jeunes deviennent aussi la cible des idéologies extrémistes, soit religieuses ou ethniques, qui nourrissent les conflits  entravant le développement et la vie démocratique. Enfin, nous verrons de plus en plus de réfugiés des changements climatiques qui auront un impact sur les pays les plus pauvres, notamment en Afrique. Cet état de fait représente un immense défi éthique et moral non seulement pour l’Afrique et ses dirigeants, mais aussi pour les dirigeants des pays les plus riches de la planète qui seront reçus par notre premier Ministre.

Les dirigeants africains sont très conscients de cette situation et de ces défis. Déjà en 2001, ils ont mis en place le Nouveau partenariat pour le développement de l’Afrique (NEPAD), pour combattre la pauvreté, promouvoir un développement durable et enrayer la marginalisation de l’Afrique dans le processus de mondialisation. Et récemment, le NEPAD est devenu la nouvelle Agence pour le développement de l’Union Africaine (UA).

Pourquoi donc ne pas décider d’appuyer ces dirigeants africains qui veulent changer la donne en renouvelant le partenariat mondial pour l’Afrique? La tâche est immense, les défis nombreux, et ces dirigeants ont besoin de l’appui et de la coopération des pays les plus riches.

Nous connaissons les thèmes que le Canada a mis de l’avant pour le prochain G7 : croissance économique pour tous et réduction des inégalités et de la pauvreté; les emplois de l’avenir; égalité des sexes et autonomisation des femmes; changements climatiques, protection des océans et production d’énergie propre; un monde plus pacifique et plus sécure. Tous ces thèmes représentent des défis en particulier pour l’Afrique et nous pensons que Monsieur Trudeau pourrait mettre de l’avant une initiative forte pour aider les populations de ce continent trop souvent oublié à faire face aux défis immenses auxquelles elles sont confrontées, et qui auront un impact majeur sur la planète.

Les gouvernements africains et la communauté internationale devraient s’attaquer avec plus de détermination à l’amélioration des conditions de vie des populations africaines, et à un meilleur accès à des services équitables et de qualité en santé et en éducation, particulièrement aux femmes et aux filles. Le continent fait aussi face à un déficit chronique des infrastructures, affectant la qualité de vie en milieu urbain mais aussi la croissance économique. Et un développement durable et équitable ne pourra se réaliser sur le continent si la gouvernance des états ne s’améliore pas, pour éliminer la corruption et l’absence de responsabilisation des gouvernants, et faciliter la vie démocratique et la participation citoyenne à construire leur futur.

Comme l’avait fait le Premier ministre Chrétien lors du G7 de 2002 en Alberta, Monsieur Trudeau pourrait exercer un leadership fort pour convaincre ses partenaires du G7 de construire ensemble une initiative phare touchant tous les thèmes du G7, pour maintenir le développement durable et équitable de l’Afrique en haut de la liste des priorités de la communauté internationale. Et au cours des mois prochains, il pourrait en faire la promotion dans les capitales et grandes organisations internationales.

Le développement durable et équitable de la planète ne peut se faire sans l’Afrique, et il en va du futur des populations africaines et du nôtre que cet enjeu demeure bien haut dans les priorités internationales. Notre Premier ministre a l’occasion d’exercer un leadership éclairé sur ce sujet, et il aura certainement notre appui pour ce faire.

  1. Sources : Perspectives de la population mondiale 2017 ONU; Poverty in a rising Africa 2016 Banque Mondiale

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