Apprendre par la pratique : trois femmes entrepreneures autochtones en période de pandémie

Nouvelle | Publié: 04 mars 2021

Publié par CECI-Guatemala 

Cet article vise à mettre en lumière une histoire pleine d'espoir dans le cadre d'un projet financé par le Fonds canadien d'initiatives locales et administré par le CECI au Guatemala : l'entrepreneuriat de trois femmes autochtones et leur résilience face aux inégalités qu'elles vivent jour après jour.

Le Guatemala est l'un des pays aux niveaux d'inégalité les plus élevés d'Amérique latine. Outre les indicateurs de pauvreté multidimensionnelle qui mettent en évidence des inégalités économiques, structurelles et historiques marquées, il existe également un écart dû à l'inégalité entre les sexes. L'âge moyen de sa population est de 25 ans, mais il s'avère que le Guatemala est le “Deuxième pire pays d'Amérique pour naître en tant que fille”, compte tenu des indices d'opportunités pour les filles et des données telles que le mariage des enfants, les grossesses précoces, la mortalité et la santé maternelle, l'accès à la santé et le taux d'éducation. Divers rapports et études ont révélé que les peuples autochtones et les femmes sont les populations les plus touchées par la pauvreté, l'extrême pauvreté, l'exclusion et le manque d'opportunités. Une réalité exacerbée par la pandémie COVID-19 : dans ce contexte, il y a très peu d'opportunités d'entrepreneuriat économique durable pour les peuples autochtones et en particulier pour les femmes autochtones.

En ce sens, dans un pays durement frappé par l'extrême pauvreté et par un racisme systémique et historique, il est très difficile pour une femme autochtone issue d’une communauté isolée, oubliée par les institutions étatiques, de créer son entreprise et de faire en sorte qu’elle puisse prospérer; c'est comme partir de zéro ou partir avec toutes les chances contre soi.
 

Trois femmes entrepreneures autochtones et une volontaire canadienne engagée

Dans la communauté de Chuisolis, dans la municipalité de Concepción, du département de Sololá, vivent Marta, Carmelina et Fidelia, trois jeunes femmes Mayas Kaqchikeles. L'espagnol est leur deuxième langue et elles n'ont pas eu l'occasion d'apprendre à l'écrire, mais elles sont très fières de parler leur langue maternelle. « C'est pour cette raison que dans ma méthodologie j'utilise de nombreuses illustrations et dessins, afin qu’on puisse se comprendre. Les voir sourire et s'intéresser à recevoir les ateliers me laisse croire que nous réussissons à bien communiquer », déclare Ana Caravantes, Conseillère en gestion entrepreneuriale pour les femmes, pour le Programme de coopération volontaire du CECI*. Ana partage ses expériences et ses connaissances avec les populations vulnérables d'Amérique latine depuis quatorze ans. Quand elle s’est jointe à l'équipe de volontaires du CECI Guatemala en novembre 2020, elle s’est établie dans le département de Sololá. Elle a été l'une des premières volontaires à reprendre contact avec les organisations partenaires et les populations locales du pays, dans le contexte de la pandémie.

Ana a commencé son travail de volontaire en soutenant le projet de "Renforcement de l'économie familiale pour trois municipalités du bassin du lac Atitlán à travers le renforcement de la production avicole familiale (PAF) et l'autonomisation des femmes", mis en œuvre par l'alliance entre le CECI Guatemala, AMSCLAE et le Ministère de l'Agriculture, de l'Élevage et de l'Alimentation - MAGA, avec le soutien financier du gouvernement du Canada par l'entremise du Fonds canadien d'initiatives locales -FCIL.

L'objectif du projet est de contribuer à l'économie paysanne et locale à travers l'autonomisation des femmes et leur participation à la production avicole, en promouvant des pratiques durables d’élevage, respectueuses de l'environnement et des écosystèmes du bassin du lac Atitlán. 

Lors d'un atelier donné par Ana, Marta lui a dit que chaque jour, les femmes de Chuisolis doivent parcourir plusieurs kilomètres pour se rendre au moulin de nixtamal le plus proche. Le nixtamal est le produit du mélange de grains de maïs moulus avec de l'eau et de la chaux ; une fois le maïs moulu, les femmes rentrent chez elles en portant la pâte qui sert à faire les tortillas pour les trois repas de la journée, la tortilla de maïs étant la nourriture millénaire des Mayas. La plupart du temps, les moulins de nixtamal sont des entreprises dirigées par les hommes de la communauté, raconte Ana.

« La communauté de Chuisolis a été très spéciale pour moi. Marta, l'une des bénéficiaires, s'est entretenue avec plusieurs femmes de la communauté afin de former un groupe et de pouvoir entreprendre ensemble. Un premier groupe de femmes lui a dit non, un second a aussi refusé », relate Ana, rappelant les difficultés organisationnelles auxquelles Marta a été confrontée au début. « Jusqu'à ce qu'elle réussisse à convaincre deux amies (Carmelina et Fidelia) de démarrer l'entreprise du moulin de nixtamal, qu'elles ont reçu grâce à un don de l'ambassade du Canada au Guatemala. »

Les trois femmes ont assisté à tous les ateliers d'entrepreneuriat donnés par Ana et ont reçu un diplôme. « Ici, nous sommes très touchés par la pandémie, on ne peut ni travailler ni sortir. Ça nous affecte profondément, parce qu'il n'y a pas de travail, on ne peut pas gagner d'argent », commente Marta à Ana après un atelier.

L'idée commerciale de Marta, Carmelina et Fidelia est d'avoir un moulin dans la communauté afin que les femmes n’aient plus à marcher autant pour se procurer la pâte de maïs, et de l’offrir à un prix juste et solidaire, pour rendre l'entreprise durable et ainsi pouvoir subvenir aux besoins de leurs trois familles. « Nous avons de nombreux besoins ici, dans ce canton où nous vivons. Nous sommes bien pauvres, nous n'avons pas d'argent, il n'y a pas de travail ici », dit Marta. « Pourvu que [notre situation] change un peu grâce au soutien que vous nous apportez. Nous avons besoin de force, de quelque chose pour soutenir nos familles avant tout. Nous avons des ressources limitées, mais nous sommes ensemble, trois femmes unies décidées à travailler ensemble. Recevoir un moulin est d’un grand appui, c’est une aide précieuse que nous apporte le CECI ».

Grâce aux contributions d'Ana à travers ses ateliers, Marta, Carmelina et Fidelia se sentent soutenues et prêtes à lancer leur entreprise de moulin à nixtamal et à réaliser leur rêve de pouvoir subvenir dignement aux besoins de leur famille.

 

* Le programme de coopération volontaire du CECI vise à améliorer le bien-être économique et social des personnes les plus pauvres et les plus marginalisées en Afrique, en Asie et dans les Amériques. Le CECI vise particulièrement à renforcer la place des femmes et des jeunes femmes comme leaders et actrices de changement, pour un développement durable et inclusif. En partageant leurs compétences et leurs expertises, et  en travaillant en étroite collaboration avec des partenaires locaux, les volontaires du CECI contribuent à renforcer le pouvoir économique des femmes et des jeunes femmes, ainsi que la résilience des communautés face aux changements climatiques. 




 

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