L’intégration des femmes dans le secteur touristique : les initiatives de deux partenaires du programme Uniterra en Asie

Nouvelle | Publié: 26 janvier 2018

Au premier semestre 2017, près de 600 millions de touristes internationaux ont voyagé – soit une augmentation notable de 7% par rapport à la même période l’année précédente. Si la croissance la plus soutenue a eu lieu au Moyen-Orient, la région asiatique n’a pas été en reste, notamment au Vietnam et au Sri Lanka, deux destinations de plus en plus prisées. Malheureusement, le succès touristique ne bénéficie pas à tous de manière égale, et comme souvent, les femmes et les jeunes sont moins susceptibles de profiter des opportunités induites par ce développement économique. Avec ses partenaires vietnamiens et sri lankais, le programme de coopération volontaire Uniterra du CECI et de l’EUMC œuvre à une plus grande inclusion des femmes et des jeunes dans ce secteur en forte expansion, notamment par le renforcement de leurs capacités et le soutien à la mise aux normes internationales.

Gros plan sur deux de nos partenaires, dans des pays où la situation des femmes dans l’industrie du tourisme est bien différente.

Lentement mais sûrement, Sancharika gagne en popularité. Ce programme radiophonique sri lankais de trente minutes, diffusé dans l’île tous les dimanches matins depuis l’été, permet à des professionnels du secteur du tourisme de mieux faire connaître la réalité de leur industrie et de sensibiliser les auditeurs aux multiples opportunités de carrière que ce secteur offre aux femmes. Loin d’être simplement divertissante, cette diffusion hebdomadaire cache un objectif ambitieux: parvenir à rendre attrayante une industrie qui, culturellement et traditionnellement, demeure quasi-inaccessible à la gent féminine.

Lutter contre des préjugés tenaces

Si ce secteur en pleine expansion est l’un des piliers économiques sur lequel le gouvernement du Sri Lanka veut appuyer son développement, le tourisme demeure mal connu de la population, qui estime entre autre qu’il s’agit d’un secteur réservé aux hommes. Dans ce petit pays aux traditions bien ancrées et aux préjugés tenaces, les femmes qui osent s’aventurer dans des métiers reliés au tourisme récoltent mépris et opprobre, et voient leur réputation mise à mal. Une barrière culturelle immense qui fait qu’aujourd’hui encore l’industrie du tourisme compte à peine 6% de femmes dans ses rangs – alors qu’elles peuvent se prévaloir d’une présence relativement importante dans d’autres activités de services, comme les hôpitaux ou l’enseignement.

C’est au travers d’émissions radiophoniques comme Sancharika, mais aussi de formations et d’ateliers itinérants de sensibilisation que le projet « Les femmes en tourisme au Sri Lanka », vise à atteindre son objectif : que la participation des femmes dans l’industrie touristique sri lankaise atteigne 15% d’ici 2025.

Ce projet d’un an, organisé par le Centre de Développement des Femmes et financé par le Conseil de coopération internationale du Manitoba, est mené dans le cadre d’Uniterra, le programme de coopération volontaire du CECI et de l’EUMC, qui appuie le développement d’économies inclusives au bénéfice des femmes et des jeunes, en facilitant notamment la croissance et le changement dans les marchés qui ont un impact sur les personnes marginalisées. Le projet entend faciliter l’accès des femmes à une industrie en pleine croissance et porteuse d’une multitude d’opportunités professionnelles et ainsi favoriser leur autonomisation économique.

Éducation et règlementation

La société Aitken Spence, qui compte 21 hôtels et centres de villégiature au Sri Lanka, en Inde, dans le Sultanat d’Oman et aux Maldives, est l’un des partenaires locaux du programme Uniterra. La vice-présidente adjointe responsable du logement des hôtels Aitken Spence au Sri Lanka et en Inde se dit pleine d’espoir et d’optimisme, mais est consciente que le changement de mentalités prendra du temps. « Pour changer le cours des choses, il faut compter plusieurs générations et il en faudra encore au moins une pour faire évoluer les mentalités en profondeur » croit Irandi Wijegunawardane qui juge la barrière culturelle immense.

Pas de quoi pour autant entamer sa détermination, elle qui s’estime si chanceuse que son père, voilà 35 ans, lui ait permis de choisir la voie du tourisme. « On mène des actions et des campagnes de sensibilisation et d’information pour les jeunes femmes, on se rend dans les écoles, on présente les métiers, on fait intervenir des professionnels, on invite les parents à se rendre dans nos centres de formation relate Irandi Wijegunawardane. Les 30 années de conflit ont laissé beaucoup de veuves et de familles sans homme, dans les deux camps (1). C’est en priorité auprès de ces populations que nous intervenons, dans les zones rurales et reculées, afin d’offrir à ces femmes dans le besoin de nouvelles opportunités, poursuit-elle. Une fois recrutées et formées, il reste encore à leur offrir un environnement de travail favorable ».

Pour ce faire, les volontaires Uniterra travaillent depuis quelques mois avec les partenaires locaux à l’élaboration d’un guide de conseils et de bonnes pratiques destinés aux responsables des ressources humaines, visant à encadrer le travail des femmes dans le secteur et empêcher leur exploitation (règlementation concernant les heures supplémentaires, etc.). « Il faut emmener les femmes dans ce secteur afin qu’elles puissent bénéficier de la manne touristique, mais il faut aussi être en mesure de bien les y accueillir et de les y faire rester explique Irandi Wijegunawardane. Partout au pays l’offre se développe, les besoins augmentent: nous avons besoin d’elles ! ».

Briser le plafond de verre

Avec une industrie du tourisme également en plein essor (plus de 10 millions de visiteurs en 2017), le Vietnam doit lui aussi faire face à des besoins sans cesse croissants en ressources humaines.

Mais à la différence du Sri Lanka, les femmes sont déjà bien présentes dans le secteur. « On remarque même que de plus en plus d’employeurs préfèrent les femmes pour combler leurs postes relatifs aux services d’accueil, d’entretien ménager, ou même de guides » raconte Thao Luong Thanh, vice-principale du Saigontourist Hospitality College.

L’établissement, qui appartient au Saigontourist Holding Company (une société d’état qui détient entre autre une centaine d’hôtels, de centres de villégiatures et d’agences de voyage et emploie plus de 20 000 personnes) est partenaire du programme Uniterra depuis deux ans.

L’établissement compte quelque 5000 étudiants en tourisme – dont 60% de filles. « Nos élèves proviennent de tout le pays, poursuit Thao Luong Thanh. Nous faisons de notre mieux pour encourager la venue d’étudiants issus des zones plus pauvres et rurales, en particulier des jeunes filles, pour qu’elles aussi aient la possibilité de bénéficier de formations, et par la suite d’opportunités de carrière. L’industrie du tourisme change très rapidement, on assiste à une hausse significative du nombre d’hôtels et de centres de villégiature, partout au pays : il faut s’assurer que les jeunes qui sont formés le soient adéquatement ».

Dans les deux dernières années, six volontaires ont appuyé l’établissement, d’une part dans le travail de refonte et d’actualisation du programme d’enseignement, et d’autre part dans la redéfinition d’une stratégie de marketing et de relations publiques. « Nos besoins étaient réels et majeurs explique la vice-principale du Saigontourist Hospitality College qui souligne «la motivation, l’enthousiasme et le professionnalisme » des volontaires et parle volontiers des plus récentes réalisations – la création d’un site Internet en langue anglaise, la mise en place d’un partenariat avec l’établissement d’enseignement canadien Humber College, etc. Tout cela nous aide à nous conformer aux standards internationaux et aux exigences d’une l’industrie à l’essor extrêmement rapide».

Si l’accès des femmes au secteur touristique et leur présence en nombre dans le domaine semblent garantis, Thao Luong Thanh tient à préciser que la partie est loin d’être gagnée. Désormais, c’est le type d’emploi occupé par les femmes qui est au centre des attentions et des luttes, car elles sont peu nombreuses à occuper des postes à responsabilité. Au Vietnam, comme ailleurs, le plafond de verre auquel se heurtent les femmes est bien présent. Mais il n’est pas indestructible, prévient Thao Luong Thanh…  

(1) Entre 1983 et 2009, la guerre civile a opposé le gouvernement du Sri Lanka (dominé par la majorité cinghalaise bouddhiste) et une organisation séparatiste (les Tigres de Libération de l’Ilam tamoul) luttant pour la création d’un Etat indépendant dans l’Est et le Nord du pays, majoritairement peuplé de Tamouls de religion hindoue. Le conflit aurait causé plus de 70 000 morts et plus de 140 000 personnes sont portées disparues.


Uniterra est un programme canadien de coopération internationale, mis en œuvre conjointement par le CECI et l'EUMC. Dans le cadre du programme, 600 volontaires contribuent chaque année au changement positif et durable vers un monde plus égalitaire, en consacrant de quelques semaines à deux ans de leur vie à un travail volontaire à l’international. Le programme permet aussi d’impliquer des Canadiennes et Canadiens et ainsi de jouer un rôle actif dans la lutte contre la pauvreté.

Le programme Uniterra bénéficie de l'appui financier du gouvernement du Canada, par l'entremise d'Affaires mondiales Canada.

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